Les procédés mis en place par Bowie et Eno



Pour élaborer « 1. Outside », David Bowie et Brian Eno auront recours à plusieurs procédés.

On peut considérer leur visite à l'hôpital psychiatrique de Gugging, près de Vienne, comme le préalable intellectuel à l'un des messages livré par leur collaboration commune : les praticiens d'un outsider art, de par leur absence de notion de norme artistique, sont dotés d'une capacité à en renouveler les formes de façon étonnante, déconcertante et fertile. Car Bowie et Eno, après avoir retrouvé leur enthousiasme mis en léthargie dans les années 80, sont bien à l’affût de formes, de pratiques nouvelles et commencent à définir ensemble ce dont ils ne veulent pas.

David Bowie aura recours au Verbasizer, ordinateur lui permettant de réaliser la technique du cut-up sur des échantillons encore plus grands, à une vitesse beaucoup plus rapide. Le cut-up, qu'il employa largement dans les années 70, consiste à inscrire sur des morceaux de papier des mots ou des expressions, de les mélanger, et de les associer pour former des phrases inattendues. La technique lui aurait été inspirée par l'écrivain William Burroughs, elle était déjà utilisée (sous une autre forme) par le mouvement surréaliste sous le nom de cadavres exquis.
Le programme du Verbasizer était conçu par Ty Roberts, co-fondateur de Gracenote.
L'intérêt n'est pas tant de suppléer à une créativité que de compléter un imaginaire à l'aide d'expressions aléatoires, totalement imprévues.
Charge à l'artiste de retenir ce qu'il trouve intéressant, pertinent, enchanteur – voire d'improviser son chant à partir des recherches aléatoires.
David Bowie sembla ravi d'utiliser ce procédé.

Dans le même ordre d'idées, Brian Eno employait dans les années 70, lors de ses premières collaborations avec David Bowie, les Stratégies Obliques – à savoir un jeu de cartes sur lesquelles figuraient des instructions concernant l'exécution d'un morceau de musique. On retrouve cette notion de choix aléatoire, attribué cette fois à une technique et non au texte. Brian Eno, au moment des premières répétitions pour « 1. Outside », aura fait évoluer son procédé de directives associées aux cartes. Chaque musicien, dont Bowie, se verra attribuer un personnage, dont le tempérament, les habitudes, devront se retrouver dans sa façon de jouer. Il s'agit là d'un véritable jeu de rôles auquel se sont prêtés les musiciens en studio.
Donnons pour exemple le personnage attribué à Bowie :

« Vous êtes membre d'un groupe d' »Art et Language » du début du 21ème siècle. Vous réalisez des incantations, des permutations de quelque chose entre la parole et le chant. La langue que vous employez est mystérieuse et riche – et vous utilisez un mélange de plusieurs langues, vu que la plupart de votre audience parle à présent un patois qui mélange sans effort l'anglais, l'espagnol, le chinois et le wolof. En se servant d'ordinateurs sur scène, de techniques de sampling instantanées et de systèmes d'écho à long délai, vous êtes capable d'édifier d'intenses nuages de mots colorés pendant la performance. Votre audience vous regarde comme le plus grand exposant de poésie abstraite en live. Samuel Beckett est une grande influence.«